Musique générée par IA – Où en sommes-nous ?

On se rappellera l’année 2024 comme celle où l’Intelligence Artificielle a créé plus de titres que les musiciens humains.  Les plateformes IA comme Suno, Udio ou Mubert permettent en quelques clics à tout un chacun de créer une piste sonore avec paroles chantées qui peuvent ressembler à s’y méprendre au style ou à la voix d’artistes, morts ou vivants.

Ces IA permettent de créer des titres reprenant des musiques existantes ou des voix d’artistes. Le buzz avait été fait sur les réseaux sociaux avec une vraie fausse chanson de Drake & The Weekend, « Heart on my sleeve » ou encore le titre « Saiyan » imitant la voie de la chanteuse Angèle.

Une récente étude mondiale réalisée à la demande de la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs indique que d’ici 2028, une baisse de 24 % des revenus des droits musicaux est à prévoir en raison de la concurrence des productions générées par l’IA et de l’utilisation non-rémunérée et non-autorisée des œuvres de créateurs humains sur des plateformes IA.

Les lobbys de la musique et de l’IA s’opposent – le choc des titans sur le plan juridique, il en sort  quoi ?

1. Entrainement des IA avec des musiques existantes : les contentieux en cours et les accords trouvés

En 2023, Universal Music Group, Concord Music Group et d’autres s’étaient unis pour intenter une action contre Anthropic au motif que son IA Claude permettait de reproduire les paroles des chansons sur lesquelles ces sociétés détiennent les droits.

Il est reproché à Anthropic d’avoir supprimé les filigranes qui identifiaient les sites d’origines et de ne pas avoir proposé de rémunération pour l’entrainement de son IA sur des contenus propriétaires.

Un accord a été trouvé suite à la proposition d’un tribunal américain d’imposer à Anthropic de mettre en place des « garde-fous ».  Anthropic a ainsi accepté de stopper la possibilité pour son IA Claude de restituer des paroles des titres dont les droits sont détenus par les majors concernées. Elle maintient toutefois qu’elle considère que son usage des paroles pour entrainer ses datasets relève du « fair use » (usage équitable », exception légale aux US qui permet d’exploiter des éléments soumis au droit d’auteur sans demander d’autorisation) et qu’elle n’avait donc pas à demander l’autorisation pour ces usages.

En juin 2024, ce sont les sociétés Sony Music Entertainment, Universal Music Group et Warner Records, représentées par la fameuse RIAA (Recording Industry Association of America) qui ont intenté des poursuites contre les entreprises Suno et Uncharted Labs (qui édite Udio).

La RIAA accuse Suno et Udio d’avoir violé le droit d’auteur en entraînant leurs outils sur des enregistrements musicaux leur appartenant. Les majors réclament 150 000$ par titre utilisé sans autorisation.

Ce dossier est en cours, le bras de fer ne fait que commencer entre les éditeurs d’IA et sans doute la plus puissante des industries dans le domaine des droits d’auteur.

 

2. Utilisation des IA pour générer de la musique – que faut-il savoir ?

A la question « Puis-je demander à Udio/Suno & Co de générer un titre qui ressemble à Slim Shady d’Eminem rappé avec une voix dans le style de Rihanna ? » – la réponse sur le plan de la faisabilité est « Ce que tu veux, l’IA peut ».

A la question sur le volet juridique est : « est-ce que j’ai un risque à le faire ». Sans grande surprise la réponse est oui car :

  • Les titres de chansons, les paroles et les enregistrements de ces titres sont soumis à des droits d’auteur. Donc si le titre généré à l’aide de l’IA ressemble manifestement à un titre connu, vous vous exposez à ce que les auteurs/éditeurs/producteurs viennent vous chercher des poux (ou plutôt des sous).
  • La voix dont vous avez demandé l’imitation appartient à une personne qui, si elle est vivante, peut s’opposer à l’usage des attributs de sa personnalité. En effet, les défunts perdent leurs droits de personnalité qui ne passent pas sur les héritiers mais les vivants eux, peuvent s’opposer au clonage de leur voix.

Donc petit conseil si vous voulez utiliser une musique générée avec l’IA :

  • servez-vous de l’IA pour créer de toute pièce un titre original qui ne ressemble à rien de connu ;

ou

  • inspirez-vous de titres tombés dans le domaine public, créez vos paroles et n’essayez pas de faire en sorte que la voix chantée ressemble à celle d’un artiste vivant.

Finalement, ce sont les mêmes conseils de bon sens qu’avant l’IA…