LES « NFT » : PETIT GUIDE POUR NEOPHYTES

Cela fait plusieurs fois que vous entendez parler ou lisez le mot « NFT » ou l’expression « Jetons non fongibles » sans avoir de temps à consacrer à la compréhension de ce que ce qu’il cache.

Vous avez certainement récemment entendu que :

  • Tarantino vendait des NFT de Pulp Fiction malgré le désaccord de Miramax,
  • Scorcese allait financer son prochain film avec des NFT ;
  • Hermès attaquait en justice un artiste qui vend des NFT semblables à son célèbre sac Birkin ;
  • Ou encore, l’immonde nouvelle relative au fait qu’un chirurgien de l’AP-HP ait mis aux enchères un NFT d’une radio d’une survivante de l’attentat du Bataclan.

Il semblerait qu’il ne soit plus possible d’ignorer encore longtemps ce que sont les « NFT » surtout si vous travaillez dans le monde de l’art, de la mode ou de la publicité.

Vous souhaitez comprendre de quoi il s’agit sans y consacrer trop de temps ? Voici les grandes lignes pour les néophytes :

1. Techniquement, qu’est-ce qu’un NFT et comment en acheter ?

Les jetons non fongibles (« Non Fungible Token » en anglais, aussi communément appelés « NFT ») sont par définition des unités de valeur non interchangeable avec d’autres. Ainsi, par exemple, les euros ou les Bitcoins constituent des valeurs fongibles dans la mesure où un euro est interchangeable avec un autre, de même pour un Bitcoin fongible avec un autre.

Pourquoi donc un NFT n’est-il pas interchangeable avec un autre ? Car un NFT constitue une sorte de certificat numérique inscrit sur une blockchain et attestant de l’authenticité d’un bien ou d’une œuvre, physique ou numérique. Ainsi par exemple, la radio de la survivante du Bataclan évoquée ci-dessus est unique et le NFT créé à partir de cette radio n’est pas interchangeable avec un autre.

La blockchain (« chaîne de blocs » en français) est une technologie qui permet de stocker et transmettre des informations de manière transparente, sécurisée et décentralisée c’est-à-dire sur une multitude d’ordinateurs et sans organe central de contrôle. 

La création d’un NFT nécessite que soit généré un « smart contract » ou « contrat intelligent ». Les smart contracts sont des programmes informatiques qui exécutent un ensemble d’instructions ou de règles pré-définies par le créateur dudit smart contract.

L’intérêt de ces smart contracts est qu’ils contiennent des informations précises et en principe immuables (ex. nom du créateur, date de création, URL où se trouve stocker une œuvre numérique, droits octroyés à l’acquéreur, etc.) et qu’ils sont personnalisables à l’infini au gré de leur créateur. Ainsi par exemple, l’acquisition d’un NFT peut, selon ce que prévoit le smart contract, être associé à certains « avantages ». Ces avantages peuvent par exemple consister en une entrée gratuite à un événement sportif ou à une exposition d’art, la réception d’un bien physique comme la nouvelle paire de chaussures de la marque vendant le NFT ou encore la possibilité de visionner un clip en exclusivité.

Ces smart contracts sont ensuite déployés et exécutés sur une blockchain (processus dit de « minting »).

Des plateformes grand public ont vu le jour (telles que Opensea, Rarible, Mintable, Super Rare) et permettent de créér des NFT en quelques clics. Cela suppose cependant quelques pré requis : (i) disposer d’un portefeuille numérique (« wallet » type Metamask ou Bitcoin Wallet) (ii) contenant des cryptomonnaies (type ether, bitcoin, solana).

Pour acquérir vos premières cryptomonnaies, il suffira simplement de vous inscrire sur une plateforme dédiée (Binance, Gate.io, eToro, Coinbase, etc.) et d’y envoyer de la monnaie dite « fiat » (Euros ou US dollars par exemple) qui vous permettra ensuite d’acquérir la cryptomonnaies de votre choix au taux de change en vigueur au moment de la conversion de votre monnaie fiat en cryptomonnaie.

Une fois ces cryptomonnaies acquises vous pourrez alors vous lancer dans l’achat de votre premier NFT sur l’une des plateformes évoquées ci-avant (les achats de NFT nécessitant le plus souvent, à l’heure actuelle, de détenir des Ethereum).

2. Juridiquement, qu’est-ce que j’acquière en acquérant un NFT ?

Le NFT n’est pas l’œuvre numérique et l’acquéreur du NFT n’acquiert pas l’œuvre digitale mais seulement le « jeton » y étant associé et qui présente certaines caractéristiques déterminées dans le smart contract qui a donné lieu à sa création.

Ce NFT correspond donc à une sorte certificat d’authenticité de cette œuvre/objet, encodé sur la blockchain et permettant ainsi en principe de garantir le caractère unique et l’authenticité du fichier numérique y étant associé ainsi que l’identité de son propriétaire.

Il s’agit donc de l’acquisition d’un bien immatériel, le « jeton » ou NFT. L’œuvre numérique reste quant à elle stockée sur un serveur et est accessible via l’URL figurant dans le NFT.

Cette acquisition est souvent assimilée, avec beaucoup de raccourcis à l’acquisition du support d’une œuvre physique (un tableau ou une photographie par exemple).

L’une des différences majeures liée au numérique est qu’il est par exemple possible d’acquérir uniquement des NFT représentant un « bout » de l’œuvre numérique. C’est ainsi que Kevin Abosh a fait créer plusieurs NFT correspondant à des morceaux de son œuvre « Forever Rose » et désormais détenus par une dizaine de collectionneurs différents.

En outre, même si le NFT est un jeton unique, cela n’empêche pas le créateur du NFT de créer plusieurs NFT à partir de la même œuvre. Un créateur peut ainsi décider d’un nombre précis de copies d’un NFT qu’il autorise. C’est l’idée d’un tirage numéroté dans le monde physique.

Attention toutefois : si un NFT garantit en principe l’authenticité d’une œuvre numérique, il convient au préalable de s’assurer que celui qui l’a créé avait les droits pour le faire sauf à vous trouver en possession d’une contrefaçon et donc voir la valeur de votre NFT s’effondrer.

3. Que puis-je faire avec mon NFT ?

Vous pourrez par exemple :

  • communiquer sur son acquisition,
  • bénéficier des droits prévus dans le smart contract tels que qu’une entrée gratuite à la prochaine exposition de l’artiste,
  • vous en servir comme avatar sur votre portefeuille numérique ou sur votre compte twitter et enfin,
  • vous pourrez le revendre.

Acheter un NFT ne permet par contre PAS d’acquérir les droits d’auteur associés à l’œuvre numérique ou physique qu’il représente (sauf que cela soit expressément prévu au smart contract ce qui n’est pas dans l’intérêt de l’auteur).

Les principes du droit d’auteur s’appliquent pleinement en la matière.

Ce qui signifie que si vous achetez un NFT, vous ne disposerez pas des droits d’auteur nécessaires à l’exploitation de l’œuvre qu’il certifie. Par exemple, vous ne pourrez en aucun copier l’œuvre et l’apposer sur des tee-shirts afin de procéder à leur mise en vente. Vous ne disposerez pas non plus du droit d’organiser des expositions payantes ou de consentir des licences d’exploitation à des tiers.

Ceci est parfaitement transposable au monde physique, l’achat d’un tableau de Picasso ne vous donne le droit que de l’exposer dans votre salon ou de revendre le tableau.  

4. Quelle est la valeur d’un NFT  

La valeur d’un NFT ne répond à aucune règle préétablie et est purement spéculative. Le prix dépendra donc le plus souvent de la notoriété du créateur de l’œuvre ou de la marque ou de l’objet donnant lieu à création du NFT.

Ainsi, à titre d’exemple :

  • Le NFT de la carte de football de Cristiano Ronaldo s’est vendu à 400.000 dollars (environ 55 Eth) sur la plateforme SoRare ;
  • Damien Hirst a écoulé 10 000 NFT correspondant à 10.000 morceaux de son œuvre « The Currency » pour environ 20 millions de dollars ;
  • Jack Dorsey, le cofondateur de Twitter, a vendu son premier tweet pour 2,9 millions de dollars ;
  • Le rappeur Booba a fait le choix d’écouler les 25.000 NFT générés à partir de morceaux de son nouveau clip « TN » au prix de 20 euros générant 150 Eth soit environ 600.000 euros.

Avant d’investir dans votre premier NFT renseignez-vous donc bien sur la cote de l’artiste, le prix d’acquisition et les potentielles plus-values que vous pourriez espérer.

 

Aurore SAUVIAT, Avocate à la Cour & Sophie TRIBONDEAU, Etudiante en M1 Propriété Intellectuelle (Faculté de Nantes)